Tocardo signe une performance inattendue lors d’une épreuve UTMB world series. National Chemineys Park. ©
UTMB Grindstone.

Ultra Trail : Récit UTMB World Series USA Grindstone 100M (169 km), Tocardo en mode never give up !

Récit de cette course folle, un trail relativement caillouteux de 169 km, sous des conditions météo dantesques. Tocardo finit par atteindre la ligne d’arrivée, après près de 26 heures d’effort.

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J’aurais aimé écrire que l’enfer existe sur terre, que cette course folle était un acte ultime de survie, un message envoyé dans l’au-delà à mon double attendant patiemment ma venue, mais que dalle. Tout s’est relativement bien passé. Certes, c’était difficile, loooong, parfois pénible, voire chiant (p* de cailloux !), usant, mais en même temps, souhaité ainsi, et c’est bien ce que j’en attendais. Pas déçu. Forcément, pas de larmes à l’arrivée, trop fatigué pour pleurer, mais une tension nerveuse extrême. La crainte de ne jamais trouver cette p* de ligne d’arrivée... Quelques hallucinations, rien de plus. La routine d’un ultra-trailer qui a fait le job... (hé, j’déconne... ). La question étant, à quoi pense-t-on quand on se retrouve 26 heures avec soi-même, en plein cœur d’une forêt de 3000 km de long, et quand le GPS ne fonctionne pas terriblement sous les arbres ? Retour à l’essentiel. On sert des fesses, on attend que cela se passe, et surtout, surtout...

Grindstone by UTMB, UTMB World Series, 100 miles, Virginie, Appalaches

Situé dans le parc national Natural Cheminey Park (Appalaches), ce parcours de trail figure, pour la première année, dans le catalogue désormais très étoffé des courses labelisées UTMB World Series. C’est d’ailleurs ainsi que Tocardo a découvert son existence. Devant se rendre aux USA pour rendre visite à sa fille ainée, donner 3 coups de pinceau dans cette maison historique (en "lemon stone", la plus ancienne bâtisse du quartier, construite en 1905, un patrimoine historique au royaume du neuf), un coup de scie sauteuse, et deux coups de marteau, notre animal à deux pattes en profita pour s’inscrire à cette folie, histoire de "rentabiliser" le voyage outre-Atlantique. Cela lui permet également d’avoir meilleure conscience, prendre l’avion, c’est mal, le CO2, la planète... En même temps, il était inscrit au marathon de Chicago, ainsi il n’allait pas faire 9 heures d’avion juste pour courir un p’tit 160 bornes. Cela aurait été ridicule. Et puis il ne faut traverser que 2 Etats pour se rendre de l’Indiana, lieu de résidence de sa fille, pour se rendre en Virginie : le Kentucky et la Virginie de l’Ouest. Aux USA, les voitures ne polluent pas, c’est bien connu. Arrivé à BridgeWater en Virginie, à 15 minutes seulement du lieu de départ, un premier constat, c’est la campagne...

Récup du dossard, généralement, tout va encore bien à ce moment là...

Des cheminées de calcaire

Le Natural Cheminey Park est donc connu pour ses roches en forme de cheminées.

Les cheminées deviennent un peu plus inquiétante quand la nuit tombe....

Pas de panique, le parcours du trail ne fait pas gravir ces éléments naturels, même si le profil de la course laisse entrevoir que certaines descentes (flèches noires) et certaines montées (flèches bleues) seront costaudes. Quand les courbes de niveau reviennent en arrière comme cela ou se chevauchent, cela veut dire un saut dans le vide ? Le guide du coureur indiquait qu’il fallait travailler son gainage, car la descente allait être sévère.

Un profil de parcours qui pose question...
UTMB

Nop. Pas si terribles. Mais de belles pentes bien droites, qui laisseront vos ongles de pieds bien plantés dans l’avant de vos chaussures. Le relief ici est moins rude que dans les Pyrénées (lignes droites dans la pente). Ce n’est pas non plus les chemins à vaches tranquilles des Alpes, avec tous ses virages, cela ressemble davantage au massif du Jura. Des petites montagnes, jamais plus de 1600 m d’altitude, donc pas de réel souci de sous oxygénation (au-delà de 2000 m d’altitude, nos capacités respiratoires chutent de 40% chez les vieux...), mais à la longue, forcément, cela calme. Au total, pour les amateurs de numérologie, ce sera seulement 6400 m de D+/D-. C’est sans doute relativement peu pour certains, pour Tocardo, cela suffit. Il a horreur des accroches marketing sur le D+ et de ces surenchères, toujours plus de D+... Une bonne paire de bâtons, l’on passe partout, sans trop de fatigue, en marchant. Le D+, c’est du flan, le plus difficile, c’est le D- ! Surtout dans les caillasses !

Get this shit done !

Courir un ultra nécessite bien davantage d’endurance mentale que des capacités physiques hors normes. Evidemment, il faut être en bonne santé, mais l’essentiel est une préparation mentale adaptée. Pour ma part, j’avais tout relu le manuel des castors juniors (je suis toujours abonné au Journal de Mickey), affronter la survie en forêt durant plus d’un jour ne me faisait donc pas vraiment peur.

Top départ, à 18 heures

Après un briefing auquel j’ai évidemment tout compris, mon anglais étant parfait (sic), me voici donc embarqué sur cette course dont l’issue est incertaine. La seule chose comprise : le balisage de ce parcours est de couleur rouge. C’est noté. Deux autres courses, un semi et un 100 km partent le lendemain matin à 7 heures et partageront en partie le même parcours, dont notamment la même fin. Tout le reste ne sera que découverte au fil des km. Nous avions droit à 3 sacs de délestage pour cette course, c’est beaucoup ! Mais au final, le parcours étant fait ainsi, nous repassons aux mêmes endroits dans deux sens différents. Au final, cela ne fait que deux endroits de délestage. Comme je n’avais rien compris, j’ai donc deux sacs de délestage déposés au même endroit. Pour une fois que je n’oublie pas un sac, je ne me plains pas.

Fastoche, c’est le départ !

Après une bouclette de 5 minutes sur un chemin gravel nous repassons par le point de départ, un tour d’honneur, un dernier au revoir au monde civilisé, et nous allons dans la direction de la forêt. Il faudra tout de même parcourir pas moins de 7 bornes sur l’asphalte afin d’entrer dans cette forêt. Je commençais à regretter de ne pas avoir chaussé mes lames carbones quand j’aperçu les premiers chemins. Gloups. Un premier ravito auquel personne ne s’arrête et allons-y. L’ambiance est bonne, les discussions fréquentes, et le Français reconnaissable, il ne comprend rien à ce que l’on lui raconte...

Qui tombe le plus vite ? La nuit ou Tocardo ?

Ici, la nuit tombe à 19h30 et dure 12 heures ! Si tu n’as pas bien rechargé ta frontale, et que tu n’as pas emmené un groupe électrogène dans ton petit sac de trail, tu vas finir comme apport protéinique pour les ours. Dame nature te remercie pour ta contribution. Les pauvres ours, encore bouffer du trailer comme chaque année à cette saison, ce n’est pas sympa. Mais l’avantage, c’est bien une course nature et cela ne laisse pas de traces. Pas de réseau GSM dans la forêt, pas de route, rien, nada. Toi seul, au milieu de la forêt. 12 heures de nuit noire, des bruits inconnus, des bruits de pas dans les feuilles... Et des cyclopes un peu partout, du monotrace pendant près de 100 bornes, enjoy. Et attention, là nous ne sommes pas sur des trails pour touristes, bien dessinés. Ici, les caillasses sont au milieu du chemin, posées de préférence de travers, essaie de poser un pied dessus, tes ligaments de cheville te remercieront rapidement. Rappel, pour abandonner, faut rejoindre une Aid Station. Sinon, l’hélico ici, c’est 2.560 ans de crédits pour rembourser. Mais globalement, tout se passe bien, on avance vite. Je suis dans les 50e premiers, sur 400 environ. Je suis régulièrement lâché dès que la cote devient raide, et je rattrape le groupetto dans la descente. J’ai bien mes bâtons et les cotes passent facilement, le D+, c’est vraiment du gadget, quand on prend son temps, c’est nickel pour la suite. Dès le sommet en vue, je replie rapidement mes bâtons, je me déboite l’épaule droite, et hop, ils sont enfilés facilement dans le carquois. En vrai, mais qui a conçu ce p* de carquois ? Tu n’aurais pas pu faire l’ouverture un peu plus grande ? Je te hais !

Que d’eau...

Et dire que l’on nous bassine (c’est le cas de dire) avec la sécheresse à longueur d’année. À partir de minuit, la pluie commence à faire son entrée sur la piste. Elle ne va pas vraiment nous lâcher durant près de 20 heures. Au début, ces quelques gouttes font du bien. Cela rafraichit et réveille même un peu. Mais après une heure, les premières petites glissades arrivent... Amenant les premières chutes. Les premiers jurons en langue de Molière. Puis en Turc, et pour finir les jurons suprêmes en Tocard (c’est quand tu prononces f* avec de la terre dans la bouche). Avec la fatigue, une vision nocturne modérée, du fait de la préservation vitale la batterie de la frontale, Tocardo va enchainer les chutes. Comme habituellement, pas de chute sur les endroits les plus merdiques (oups ! Techniques, c’est le terme usité dans le milieu du trail), mais sur des pentes modérées où racines et petites pierres font le maximum de victimes.

Une chute de chaque côté. Mon genou droit me fait tout de même bien mal, il a bien gonflé, comme s’il avait gobé une orange. Là je commence à me dire que la descendance Tocardo sera endettée pendant 18 générations afin de rembourser le rapatriement de l’ancêtre... Mais je me suis alors rappelé les bonnes paroles de mon ostéo préféré : "...du moment que l’on entend pas un bruit de biscotte broyée au niveau de genou à chaque foulée, c’est que cela peut tenir...", et n’entendant que le son de Ed Sheeran avec mes oreillettes réglées au max, forcément, j’ai continué. Pour rappel, mon ostéo est le seul de l’Est Parisien a avoir deux métiers : Boucher et Ostéopathe. C’est dire si il maîtrise l’anatomie des mammifères. Et croyez le ou pas, mais à l’arrivée, mon genou droit n’était plus enflé du tout. Je ne sais pas que qu’est advenue de la potentielle biscotte. En revanche mes deux chevilles l’étaient, bien enflées. Et ce n’est pas une histoire de première place M4, ces chevilles qui enflent, cela arrive vraiment, avec ces p* de cailloux. Pourquoi les fabricants de chaussures de trail ne fabriquent ils pas des pompes avec des semelles sur les deux cotés des chevilles ? Ils n’ont jamais couru sur des chemins gavés de pierres ou quoi ?

Avant le 50e km, tout les voyants sont encore au vert

Passer la première barrière horaire

Cela peut paraître ridicule avec la connaissance de mon résultat final, mais je craignais de ne pas passer la première barrière horaire. En effet, fixée après 10 heures de course à 53 km du départ, je n’étais pas certain de la franchir sereinement. En effet, tout dépend du parcours. Aux championnats de France de Trail à Méribel, j’avais mis 10 heures pour parcourir 50 bornes, donc rien ne me semblait joué d’avance. Mais ici, comme nous avions 7 bornes sur la route pour rejoindre la forêt, forcément, mon allure moyenne a été bien supérieure à mes projections. Par ailleurs, la première boucle du parcours emprunte les chemins les plus agréables à courir, rien de difficile. Peu de pierres et de racines. Une fois cette barrière franchie, avec près de 2 heures d’avance, je me suis relâché. Il faut tout de même savoir que sur cette course, une partie importante des athlètes sont stoppées par l’organisation. Nous serons 182 arrivants sur près de 400 partants. Les organisateurs ont raccourci (et non pas allongé) les barrières horaires durant la course, compte-tenu des conditions météos. Il faut ainsi préserver la santé des athlètes.

Des ravitos topissimes

Ici, pas d’infrastructures, gymnases, ou tout bâtiment pouvant servir d’abri, parc national oblige, donc tous les ravitos, bases vies y compris, sont organisées sous des tentes (barnums). Au menu, des glucides rapides, mais également souvent des repas chauds : pommes de terre, pizzas, soupe, café, chocolat, pain de mie, bacon, riz, et autres choses que je n’ai pu reconnaître. J’ai tourné aux pommes de terre et aux wraps, excellents. Côté boisson énergétique, une mixture bizarre, type Naak, mais visiblement mal dosée, goût melon, pour bien faire vomir les coureurs. La boisson n’étant pas mélangée régulièrement dans des containers de 50 litres, les premiers boivent presque de l’eau pure, les derniers de la boisson énergétique dosée pour un cheval de 2 tonnes. Bilan, vomissements quelques miles plus loin pour les malchanceux. J’en ai bu 2 ou 3 litres en tout durant la course, pas malade, mais pas vraiment une bonne expérience non plus. Comme je figurais parmi la tête de course, j’ai eu donc de la flotte aromatisée tout juste au goût de melon, dont je ne suis pas fan, mais faute de mieux... J’ai eu également une fois un mélange purée / soupe, pas si mauvais que cela. L’on m’avait demandé si je souhaitais avoir de la purée ou de la soupe, j’ai répondu les deux, pensant évidemment les avoir de façon séparée, et bien je les ai eu ensemble. De toute façon dans l’estomac, le mélange aurait été effectué.

Des ravitos type stand F1, des bénévoles aux petits oignons, un pit stop et c’est reparti !

Certains ravitos sont hors normes. Lors d’une base vie, le chef de la station a vite reconnu que j’étais français. Le prénom est inscrit sur les dossards, et bien Dennis soit un prénom usité aux USA, Denis est plus difficile à lire pour ces héritiers de l’oncle Sam. Alors, est-ce sans doute à ma façon de m’exprimer, bien que je parle américain sans le moindre accent : " Plizzz, may I have wateur in my hydratation bag, bicause I cannot any more sit, otherwise I can restart, my knees are broken...". Le bénévole répond un "Water ?" confirmant ainsi que mon usage de l’anglais américain était au paroxysme de sa perfection. Confirmant ainsi que j’étais bilingue, le chef de station commença une longue tirade me concernant, dont mon interprétation est la suivante : "Ces français, minces comme des athlètes, sont magnifiques". Il en profita pour me demander mon âge, source d’interrogation de toute l’assemblée. Combien il peut bien avoir ce vieux-là. "Fifty-seven !" lançais je, fier comme si j’avais rempli ma carte de bingo au loto annuel de l’amicale des seniors de Bussy St Georges. Je me demandais toutefois si j’avais bien saisi la question, sachant que je devais repasser au même endroit 23 miles plus tard. Je ne voulais pas qu’ils pensent que j’ai déjà perdu la tête, et qu’il faille m’arrêter pour raison médicale. Après avoir lâcher ces mots, je me mis rapidement en ordre de marche afin de quitter ce lieu au plus tôt.

Et bien, lors de passage dans l’autre sens, soit au 113 km de mémoire, tout le monde m’a reconnu. Je vous passe les "Je m’appelle François...", à l’instar de nos "Mike and Andy are in the kitchen...". Bref, bien sympathiques tout cela, surtout quand on ne voit pas un être humain pendant près de 10 bornes dans cet enfer minéral verdâtre.

Des ravitos en mode F1

C’était la première fois que je vivais cela à chaque ravito de la course. Les Américains peuvent avoir des défauts, mais au niveau de l’organisation, ce sont des maîtres. Quand tu arrives au ravito, l’on te prend en charge, comme une véritable F1 arrêtée au stand. Les bénévoles sont au taquet pour toi. L’on te demande ce que tu souhaites, et ils vont te remplir tes flasques pour toi. L’on te prépare ton repas, l’on t’amène ton récipient avec les aliments de ton choix, ta fourchette, ta p’tite serviette, ta chaise... Le full service quoi, comme si l’on était des stars. L’on te demande évidemment comment tu vas, ce que tu ressent, bref à des années lumières de certains trails. Mais comme les F1, cela veut dire aussi que tu dois repartir rapidement des stands. L’arrêt est limité à 6 minutes à la base vie, car il flotte sévèrement, et tout le monde ne peut pas tenir sous le barnum à l’abri de la pluie.

Une météo humide

Certaines averses, essuyées sur les sommets des montagnes du coin, sont impressionnantes. Fort heureusement, j’avais été baptisé aux orages de grêles de l’UTMB World Series du Val d’Aran en Espagne, début juillet dernier. Ces averses de pluie me semblaient alors bien faiblardes, limites ridicules. Ma veste de pluie d’une marque dont je tairais le nom afin d’éviter toute publicité, son nom commençant par salo, et se terminant par mon, remplit correctement sa fonction : éviter d’avoir froid. Trempé, je l’étais depuis des heures, mais sans cette veste je me serai transformé en schtroumpf (tout bleu).

Good job, great work...

Ici dépasser un athlète sans l’encourager cela doit porter malheur ou quelque chose comme cela. Je n’ai pas pu compté les encouragements reçus lors de cette course, émanant des athlètes m’entourant, faute de public, au milieu de cette immense forêt.

Tocardo a l’estomac et les intestins en vrac... Mais il paraît que cela ne se voit pas...

130 bornes...

Sur ce genre de sortie, je suis déjà cuit autour des 70/80 km. Par la suite, mon cerveau ordonne un mode survie me permettant de continuer. Je fais surtout attention de ne pas tomber, je prends soin de boire et manger régulièrement. Pour le reste, franchement, je ne gère rien. Mon esprit vagabonde et je me retrouve seul face à moi-même. Nous sommes donc deux, et les discussions se multiplient à l’infini. Bien que l’autre soit souvent en désaccord, nous négocions, et trouvons un accord acceptable pour l’ensemble des participants. Je vous rassure, mon psy m’a bien confirmé nos prochains rendez-vous. Je m’interdit de penser à la douleur, ce p* de genou, ces ongles de pied qui doivent être déjà bleus, cette douleur lancinante dans le dos... Je visualise déjà la ligne d’arrivée, abandonner n’est pas une option. Même en marchant jusqu’à la fin, je tiendrai. J’en suis persuadé.

Des animaux ?

Oui, j’ai vu beaucoup de souris durant la nuit, un lapin, des oiseaux, mais pas d’ours, ni de biches ou autres mammifères. Ah si, j’oubliais, beaucoup de bestioles, de forme humaine, avec un œil luisant au milieu du front et soufflant fort.

Une fin de course, terrible

Scrutant ma montre, je vois apparaître avec plaisir, les 150 km ! Autant dire que c’est la fête dans le cerveau. Je pourrais arriver sous les 24 heures pensais je. Une sacrée perf ! C’est alors qu’un drame se produisit. En effet, après avoir parcouru quelques km bien difficiles sur une piste de VTT en lisière de la forêt, je pensais que nous allions arriver sereinement sur la ligne d’arrivée. J’entendais déjà l’ambiance, le speaker, la totale quoi ! Certes, je me disais que cela n’aurait fait que 158 km, mais bon, globalement, c’est un 100 miles quoi. Et puis, je continue, je continue, toujours rien... Le doute s’installe. Et là je tombe sur un ravito ! Hein ? C’est quoi ce bordel ? Je me suis gouré de parcours ou quoi ? Je demande où se trouve la ligne d’arrivée, et cette fois-ci, je comprends instantanément la réponse : "you have less than 6 miles to go for the finish line ! You’re almost there !". Réponse non autorisée. Dans mon anglais le plus texan, j’affirme alors que cela n’est pas possible ! Ma montre affiche déjà 160 km ! Je lui plante ma montre sous ses yeux ! Il fait de nouveau nuit. Il me répond que les GPS sous les arbres ne sont pas fiables, ce que je sais, mais là n’est pas le propos, c’est que je n’ai plus d’énergie pour aller au bout, mon cerveau n’est pas prêt ! Après avoir dévoré une dizaine de MMS, je repars donc tout penau sur ce chemin gravel, en pensant à une seule chose : ne pas tomber. En cas de chute, je ne serai pas certain de pouvoir me relever.

Même plus de veste de pluie, alors qu’il flotte, on s’en moque, je veux arriver !

J’hallucine, au sens propre

Depuis quelques heures déjà, je vois des hallucinations, ou plutôt des confusions. Des hallucinations étant quand on voit quelque chose alors qu’il n’y a rien, comme dans le désert par exemple. Pour ma part, il s’agit de confusions, des choses sont bien présentes, mais mon cerveau m’envoie des images qui ne sont pas les bonnes. Je vois des personnes au lieu de branches d’arbres, des chiens au lieu et place de grosses pierres, bref, cela commence à devenir sérieusement le délire dans mon cerveau. Je pense qu’ils ont du ouvrir le champagne un peu trop tôt là-haut. Ce sera donc délicat de motiver ce petit monde pour finir ces fichus 10 bornes supplémentaires. Fort heureusement, plus de chemins de trails, mais du sentier gravel, puis alors cette route de 7 bornes de long, à refaire dans l’autre sens que la veille. J’avais oublié. Que c’est dur de courir sur le bitume quand on est complément cuit. Et ces voitures qui passent en contre sens, vont-elles bien m’éviter ? Un poil dangereux tout cela. Je titube, comme si j’étais bourré, mais je ne vomis pas, subtile différence très classe :) Cette fatigue extrême, je la dois à cette météo pluvieuse, mon corps a donc consommé un max d’énergie pour ne pas avoir froid.

Là... Je peux confirmer que l’on est content de franchir cette ligne, la fin est terrible

Au final, après plus de 90 minutes pour faire ces 8 bornes, la ligne d’arrivée se dessine enfin. Je n’ai même plus la force de pleurer. Je ne pense qu’à une seule chose, voire ma fille, et aller me doucher sous une eau chaude. Je savoure ma performance, le fait d’être parmi le top 40 de cette course pensais je.

Un podium inespéré

Au final, je termine 20e de la course, 1er M4 (groupe d’âge de 55 à 59 ans), un podium inespéré. Il aura lieu le lendemain matin à 7 heures du matin (drôle d’heure pour un podium...). L’on me remet ma médaille de finisher, ainsi que mon trophée de vainqueur dans ma catégorie. Le compteur de running stones UTMB s’incrémente de 4 petits points, pas cher payé pour autant d’efforts, mais bon...

20e place au général, mais franchement, une sacrée cote pour ce tocard !

Un accès à la Western States 100

Si en France, les ultra trailers ne jurent logiquement que par l’UTMB Chamonix, de ce côté de l’Atlantique, c’est encore la Western States qui fait briller les yeux des athlètes. La Western States c’est l’Ultra Trail mythique, le premier 100 miles au monde et le plus réputé. Moins difficile que les UTMB World Series qui souhaitent marketer sur le D+ avant tout, la Western States fixe un objectif tout autant relevé : boucler le parcours en moins de 24 heures. Autant dire qu’il ne faut pas lambiner à se chausser de chaussettes toutes les 30 bornes. Et en 2024, ce sera le 50e anniversaire de cette course ! Et devinez qui a une chance de participer au tirage au sort ? Tocardo ! Cette course de Grindstone étant qualificative, l’espoir est permis, même s’il reste faible.

Des récompenses qui font chaud au cœur !

100 miles, près de 170 km ?

Tocardo n’est pas un pro des maths. Dans sa petite tête, 100 miles, avec 1 mile faisant pas loin de 1,6 km, il pensait partir pour un 160 km. Mais ce n’est une surprise pour personne. Désormais les courses affichant la marque UTMB tendent vers 170 km et parfois davantage. Oubliez donc les 160 km. Et quand on sait que les derniers km ne sont jamais les plus faciles à parcourir, la mauvaise découverte de ce rab de km fut assez malvenue. L’avantage dans ce type de trail étant, que même si tu souhaites abandonner, tu dois rentrer à pied pour rejoindre la ligne d’arrivée. En clair, que tu abandonnes ou pas, tu vas te taper ces 10 km de rab.

Au final, une belle expérience malgré cette météo pourrie. Une organisation de pros, comme d’habitude aux USA. Des bénévoles qui sont des accompagnateurs du début à la fin, franchement, ils sont topissimes ! Le taux de DNF doit dépasser les 50% ce qui n’a rien de surprenant pour ce type de course. Bizarrement, je ne suis pas dégouté des 100 miles, même seulement 2 jours après... C’est moche, j’aurais tout de même espéré l’avoir été. Mais en attendant d’autres aventures, des marathons se profilent dans quelques semaines... La routine quoi :)

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