100km de Millau 2017, préparatifs, entraînement, et plus si affinités...
Une préparation à ne pas prendre à la légère, 100 bornes, faire preuve d’humilité et de respect de l’épreuve... Récit d’un petit coureur s’attaquant à une grande épreuve.
100km de Millau, la course sur route la plus renommée de France, une légende ! C’est beau, long et éprouvant, mais c’est tellement bon... Surtout quand on franchit la ligne d’arrivée ! Ouf, une bonne chose de faite !
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Mon objectif était de 9h35min, j’ai terminé en 8h52min. 32eme au général sur 1488 inscrits, 3eme V2. Pas mal pour un 1er 100 bornes sur ce parcours pour le moins vallonné, et sans accompagnateur...
Certaines années sont redoutables pour cette course mythique. Avec des températures avoisinant les 26 degrés à l’ombre, inutile de dire que courir ces 100km de Millau peut devenir rapidement inhumain. Fort heureusement pour moi, en 2017, ce fut l’année de Millau, version Bretagne, n’en déplaise aux Bretons : un crachin plus ou moins vigoureux pratiquement toute la journée, avec une accalmie à partir de 16 heures, et même un léger rayon de soleil en fin de journée (ou était-ce des hallucinations ?).
Après une préparation pour les 100km de Millau des plus sérieuses, j’entamai tout de même cette course avec une peur tenace, vais-je être à la hauteur de cette course mythique ? Mon 1er 100km, sur Millau, sans suiveur à vélo, et espérer finir sous les 10 heures, cela paraissait un sacré pari.
Préserver ses ressources, ne jamais aller au bout de soi-même, ne pas se mettre dans le rouge, j’aurais bien respecter ces consignes. Et pourtant, je suis parti sur un rythme élevé...
Tout le monde m’avait prévenu, ne pars pas trop vite ! Et bien j’ai respecté les consignes, le 1er kilo, je l’ai couru tout calme ! A moins de 12km/h. Par contre, en pente favorable, je n’ai pas pu résister bien longtemps à l’appel du bitume... Et la vitesse a repris rapidement le dessus, pas ma faute...
De toute façon, c’était ma tactique de course. Profiter du parcours favorable pour allonger un peu, et puis me calmer dès les premiers contreforts du parcours. J’ai retrouvé rapidement Manu de Marseille, un athlète émérite, expérimenté, pour son 4eme 100km. Manu, regrettait l’absence de soleil, plutôt coutumier de ce climat. De mon côté, après les mois d’Août et Septembre pourris que nous avons eu au Nord, j’étais satisfait de cette météo clémente pour mon petit organisme peu adapté aux grandes chaleurs. Avec Manu nous avons discuté longuement, jusqu’au 1er semi-marathon, passé en 1h35, face à la première petite cote. Sans doute un peu trop discuté, car nous n’avons sans doute pas trop ralenti notre allure. Didier nous a rejoint, un athlète de haut niveau du 78, qui terminera 10eme au général en 8h04 ! Excusez du peu !
Le long du Tarn nous effectuons une boucle magnifique, traversant des villages apportant le repos de l’esprit. Côté météo, ce n’était encore que nuages menaçants. La pluie s’est invitée juste après, une forte averse, vous trempant du fin fond de la chaussette, au sous-vêtement le plus sexy (heu, moi ? Nan, je ne mets rien sous le short...). Le parcours n’est pas vraiment plat, mais assez varié, une première cote me fait ralentir,je laisse partir devant moi Manu et Didier, je ne suis pas équipé pour grimper les cotes à leurs allures, je préfère me préserver pour les descentes.
Effectivement, en pente favorable, je reviens sur eux, mais n’arrive pas vraiment à leur hauteur, je suis à 200/300 m derrière. Didier n’a pas de suiveur avant la fin de la première boucle, de mon côté je porte ma gourde et mes quelques barres énergétiques. Je pense à m’alimenter, car j’ai déjà faim. Il doit être plus tard que midi, et on ne change pas ses habitudes. J’englouti une première barre, par petits morceaux.
En traversant les villages, des enfants sont présents pour faire des checks ! (taper dans la main des coureurs). Je me prête volontiers à ce genre de gestes, souvent les leurs commentaires fusent par la suite, et ils ne pensent pas que nous pouvons les entendre... "T’as vu le rose, il est tout vieux...", nul doute, on parle bien de moi, le t-shirt du club est rose et gris. Cela me fait sourire. Ou encore "...oh, il allait vite celui-là...", ah, là on doit parler de celui qui vient de me dépasser :).
Au 30eme kilo tout va bien, la photo me fait penser à autre chose, et puis c’est bientôt la fin du marathon. Je pense alors à ma stratégie de course, je vais pouvoir me changer, prendre mon mobile et écouter de la musique pour la suite de l’épreuve, bref de quoi s’occuper l’esprit. En attendant, je fais une course croisée avec la deuxième féminine du marathon. Une athlète qui a l’air vraiment facile, même en fin de course, tout en gestion, pas dans le rouge, un bel exemple à suivre. Je tente de l’aider dans sa quête, je la rassure, être 2 sur un marathon c’est top, la plus mauvaise place c’est 4 !
Décidément, les pauses photos s’enchaînent, alors comme d’hab on tente de ne pas faire trop peur sur les photos, on reprend une attitude un peu moins économique, et le sourire est parfois un peu forcé, mais bon, il reste 60 km à courir...
J’arrive à boucler ce marathon somme toute éprouvant en 3h15 à mon montre, et en suis vraiment content. Je suis frais physiquement, et n’attends qu’une seule chose, prendre mon ravito et mon mobile pour ma musique. Le plus dur du parcours arrive... Et là c’est le drame !
Arrggg !!!! Merdum, je n’ai pas accès à mon sac ! Adieu musique, adieu barres de céréales préférées, il va falloir composer avec les ravitos proposés... Le moral en prend un sacré coup. Ma tête tombe au niveau de mes chaussettes trempées... L’odeur me fait rapidement redresser la tête... Tu penses vraiment, tocard que tu es, qu’une barre de céréales et de la musique que tu connais par coeur t’aident ? Utilises ta mémoire ! Rejoue-toi les morceaux en tête ! Pense à cet inspecteur des impôts qui, chaque année, inlassablement, trouve quelque chose à redire sur ta déclaration... L’envie de frapper fort revient !
A voir, elle est effectivement impressionnante cette cote. Une deux fois deux voies coupée à la circulation, passant sous le viaduc. La hauteur de l’ouvrage (plus de 200m) rajoute un effet d’optique augmentant l’impression de pente du parcours. Au final, à grimper cette cote n’est pas si difficile, j’arrive à la gravir sans avoir à marcher. Une fois cette première étape passée, je me dis, c’est jouable ! Et le moral ne fera que grimper...
A ma grande satisfaction je passe les 50 bornes sous les 4 heures. Sachant que les difficultés ne font que commencer, prendre de l’avance sur mon planning, mes petits temps de parcours est tip top. Mon planning indiquait 4h11 au 50eme kilo, sachant que j’avais été très conservateur sur la suite du parcours, anticipant des crampes et autres choses sympas qui arrivent probablement souvent aux coureurs sur cette distance. Mes crampes furent légères, dès la moindre sensation de début de crampe, je buvais encore et encore...
Faire une course de 100 bornes sans s’arrêter au moins 3 ou 4 fois pour pisser, c’est, selon moi, ne pas s’hydrater suffisamment. Je n’aurais fait aucune pause pipi durant toute la course... Aïe, heureusement qu’il n’a pas fait chaud, sans quoi, j’aurais probablement fini dans le bus des abandons.
Le moment le plus délicat pour moi a été cette cote de Tiergues dans le sens aller vers St Affrique. Cette pente vient après un faux-plat assez long, usant. Je ne sais pas vraiment pourquoi, ce goudron, l’absence de luminosité à ce moment-là, la pluie qui redoublait, bref tout semblait m’indiquer que je n’allais pas finir avant la nuit. Une légère baisse de moral. J’avais déjà mal aux jambes, mais surtout je ne devais pas m’arrêter, je n’étais pas certain de pouvoir repartir. Et puis, en marchant, de plus en plus souvent, j’ai repris confiance. Marcher m’a permis d’apaiser mes douleurs musculaires, et la fin de l’averse m’a également sans doute redonné un peu de tonus. Je passais alors sur l’autre versant de la colline, direction St Affrique, en descente jusqu’au bout, à près de 13km/h. Une descente trop longue à mon goût, mais je n’avais qu’une hâte, retrouver enfin mon sac, pour me changer, me restaurer avec mes aliments préférés et faire ce fichu chemin retour de 30 bornes pour en terminer avec ce périple.
Arrivé à St Affrique, je décide de m’octroyer une pause. Je n’ai pas chronométré le temps passé, à papoter avec les bénévoles, mais j’estime le temps passé à environ 5 minutes, le temps de prendre mon sac, de me changer, de me restaurer et de remplir ma gourde. Je bois 3 ou 4 verres d’Orangina d’affilée, un vrai bonheur, je repense au temps où, gamin, c’était déjà sans doute ma boisson favorite. Et puis je repars enfin.. Et là, ça coince vraiment.
La cote est raide au départ de St Affrique, et avec cette pause, il m’est impossible de repartir en courant. Je marche donc... Je ne vais pas ramper tout de même ? Je suis au sec, mais la pluie a fait son retour. Je ne suis pas en détresse, je suis un peu dans le dur mais rien d’alarmant, j’ai le bon espoir de terminer cette course avec les honneurs. Après une dizaine de minutes de marche, mon corps a sans doute fait un peu le ménage dans les muscles des jambes, puisque je peux me remettre en footing. Cette cote est longue, mais l’avantage c’est que l’on sait quand elle termine, St Affrique, c’est juste un demi-tour pour un retour sur Millau. Aux passants je lâche la fameuse blaque, c’était bien la peine d’aller à St Affrique pour revenir à Millau.
En croisant les athlètes sur cette portion d’aller/retour, les encouragements fusent dans les deux sens. C’est terrible ! Des dizaines de personnes me reconnaissent et crient El Tocardo ! C’est juste incroyable et cela fait un bien fou, surtout que je suis en pente favorable, en revanche, eux, attaquent cette cote si terrible à mes yeux. Je suis tellement encouragé que cela en devient gênant, je passe tout mon souffle à dire Merci et Bravo à toi... Bref, cela m’épuise, je lève le pouce, en signe de reconnaissance, parfois je tente de me re-concentrer sur mon rythme, ce n’est pas encore gagné, flancher à 15 bornes de l’arrivée serait le pire des scénarios à mes yeux.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, un rapide calcul me fait prédire un temps d’arrivée sous les 9 heures si je ne faiblis pas trop. Je peux accrocher un 8h45 si je me donne un peu, mais je ne veux pas jouer à ce jeu là. Finir est mon objectif, pas le chrono. Donc dans la dernière difficulté, la remontée vers le viaduc de Millau, je marche généreusement, je ne cours quasiment pas. Quelques athlètes me dépassent, c’est bien normal.
Comme toujours, les 2/3 derniers ne sont pas les plus durs, l’on peut tout donner, le fait d’arriver est certain. Mon arrivée est triomphale, dans une ambiance de folie, avec un nombre important de membres du club Bussy Running... Les cris de joie ne cesseront de résonner toute la soirée, à chacune des arrivées des athlètes du club, sans doute le plus largement représenté sur cette course.
A l’arrivée, le speaker me pose quelques questions, je ne me rappelle même plus du sujet, un manque d’oxygène au niveau des neurones sans doute. Vraiment comblé par ce chrono d’un autre monde, sous les 9 heures à Millau, bien servi par une météo favorable. Habituellement, seulement une quinzaine d’athlètes terminent sous les 9 heures, je suis 32eme et sous cette barrière horaire, tip top !
Le petit bémol sur cette course, c’est l’absence de médaille. Un objet que l’on garde, que l’on admire tous les matins, pour entamer une nouvelle journée, bref, ces petits trophées qui font du bien. A Millau, rien de tel, juste une feuille A4, un diplôme. C’est tout de même dommage pour une telle course...
Autre petit bémol, l’arrivée dans Millau, avec le trafic de voitures, c’est assez moyen. Certes les conducteurs semblent prendre soin des coureurs, mais c’est un facteur de stress non négligeable, à un moment où tous nos neurones survivants ne sont pas forcément bien alimentés en oxygène et en glucose...
Les bénévoles sont tous accueillants sur cette course, des tablées bien garnies, des denrées à destination surtout des suiveurs en vélo (roquefort, saucisson, soupe, jambon, etc...) de quoi faire un vrai repas tous les 5 km. Histoire de repartir de Millau en surpoids d’une dizaine de kilos :) Ce ne fut pas mon cas. Le soir même, je me gavais de muffin au chocolat et de tarte aux noix, après avoir dévoré le repas du soir offert par l’organisation (soupe, riz/poulet, carottes râpées, roquefort et crème dessert + 2 morceaux de pain). Le diable est dans les détails, si cette liste peut motiver quelqu’un pour en terminer avec la course, il ne faut pas hésiter :)
Une préparation à ne pas prendre à la légère, 100 bornes, faire preuve d’humilité et de respect de l’épreuve... Récit d’un petit coureur s’attaquant à une grande épreuve.